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Sarah Lenka est une conteuse qui a à cœur de raconter les femmes, entre merveilles et aspérités.

Et au milieu, leur vécu dans ce qu’il a d’infiniment sublime. La chanteuse garde en tête l’écoute d’un premier standard, pendant ses etudes à Londres « Good Morning Heartache », interprété par Ella Fitzgerald.

« J’ai été subjuguée par cette capacité à chanter sa vie, de façon crue et franche, et les sentiments que l’on garde habituellement sous silence », se souvient-elle. Comme l’ont fait avant elle, d’autres vocalistes - parmi lesquelles Vera Hall, Bessie Smith, Dinah Washington ou Billie Holiday - , dénonciatrices des mœurs de leur époque, tout en faisant gage d’une profonde authenticité.

 

Depuis 2007, année où elle a remporté le prix SACEM de la meilleure artiste féminine de jazz vocal, elle a signé quatre albums marqués par le même dessein de « dire » les femmes. Rendre hommage à Bessie Smith ou revisiter l’essence de chants d’esclaves afro-américaines de la fin du 19ème siècle…

 

Des projets qui traduisent profondément ce qui l’anime. Avec la chanteuse franco-sénégalaise Awa Ly, la pianiste franco-arménienne Macha Gharibian et la flûtiste franco-syrienne Naïssam Jalal, elle met en lumière trois instrumentistes qui s’attachent à mettre en musique le retour aux racines et la transmission transgénérationnelle. Là, se révèle une autre des obsessions de Sarah Lenka : chanter l’exil et le déracinement toujours d’un point de vue féminin. Ce nouvel album, ISHA, en est la parfaite illustration. « Je pense que l’on ne choisit jamais un répertoire de façon anodine », pose-t-elle. « À force d’être à l’écoute de ces femmes sur des thèmes telles que la dénonciation, l’audace ou la guérison, j’ai réalisé l’absence de transmission avec celles de ma propre famille ».

 

Ces femmes se sont des mères, des tantes, des grands-mères, des arrière-grand-mères, des ancêtres, ... Des femmes, au courage invisibilisé, qui ont connu l’exil, le déracinement et qui ont posé leurs empreintes en Algérie, au Maroc, en Espagne et en France.

De fait, Sarah Lenka, enfant d’exilées, s’attache à rompre le silence familial posé sur des générations. Elle traverse donc l’histoire, les territoires tout en (re)dessinant des destins. Elle ouvre les portes en exécutant un véritable travail d’ethnologie au sein de sa propre famille.

 

L’album s’ouvre sur le morceau « Betty », du nom de sa grand-mère maternelle. On trouve aussi
« Mouma », prénom de son arrière-grand-mère paternelle, indigène algérienne du désert. On retrouve aussi « Zahra », la grand-mère de Betty. « Quand Zarah s’est séparée de son mari, un acte fort en Algérie, celui-ci l’a séparée de ses enfants. Pendant longtemps, on a cru que Zarah les avait abandonnés alors même qu’elle les avait cherchés toute sa vie ».

 

Dans le morceau éponyme, « Isha », qui signifie « femme » en hébreu, Sarah Lenka questionne le regard d’un homme porté sur l’ensemble de ces femmes. Elle raconte aussi « Rose », la grand-mère de sa mère : « Elle a dû quitter l’Algérie sous les bombes et, dans cette chanson, j’imagine comment elle l’a vécu ».

 

Sarah Lenka traverse aussi les langues tel l’anglais, l’arabe et, un tantinet d’’hébreu. Ces deux dernières langues évoquent les racines qui ont échappé à la transmission. Sarah Lenka jongle aussi, et sans surprise, avec les sonorités à travers une folk d’inspiration occidentale, grâce à la guitare folk de Laurent Guillet, et d’inspiration orientale, révélée par le mandole de Taoufik Farah. Cet album, dont le directeur artistique n’est autre que le batteur Raphaël Chassin, est aussi l’occasion pour Sarah Lenka de proposer un premier album qui ne comprend que des compositions.

C’est en compagnie du guitariste Laurent Guillet que la chanteuse a posé les premiers mots et les premières mélodies. Ainsi, Sarah Lenka a mis des chansons sur les silences, trouver la « voix » de la transmission.

« ISHA est un hommage aux femmes qui ont connu l’exil et le déracinement. Leurs histoires, puissantes, leur invisibilité et leur résilience traversent l’histoire et les sociétés. Après elles, suit une génération souvent coupée de son héritage culturel et spirituel ». De sa voix sensible et légèrement granuleuse, Sarah Lenka noue, entre eux, tous les fils conducteurs qui lui permettent de sortir du silence. Elle livre, ainsi, l’écrin d’une mémoire collective au sein duquel se déploie une salvatrice mise à nu.

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